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Covid-19 : Les 10 propositions de l’Alliance des économistes istiqlaliens pour sauver l’écosystème Tourisme - Artisanat

Covid-19 : Les 10 propositions de l’Alliance des économistes istiqlaliens pour sauver l’écosystème Tourisme - Artisanat

 

► L’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI) appelle le gouvernement à adopter, en urgence, un plan de sauvetage de l’écosystème Tourisme-Artisanat et des millions d’emplois qui le composent.

► Elle propose un plan d’action autour de 5 axes stratégiques pour protéger l’avenir du premier métier mondial du Maroc : adopter une gouvernance collégiale pour protéger et redémarrer la filière, la préservation des emplois et le renforcement du savoir-faire de la filière, l’assainissement de la situation financière des entreprises opérant dans le secteur, l’adaptation de l’offre touristique du Maroc aux nouvelles exigences sanitaires mondiales et une diversification des marchés interne et international du tourisme et de l’artisanat. Détails.


 

L’écosystème Tourisme-Artisanat représente des millions d’emplois et plus de 80 milliards de dirhams de recettes directes en devises. 

Le Covid-19 a plongé l’industrie du tourisme dans une paralysie sans précédent, provoquée par les mesures de confinement généralisées, et surtout par les interdictions de voyager et les fermetures des frontières pour des délais indéterminés. 

Les pertes, très conséquentes, restent difficiles à évaluer, mais l’OCDE prévoit une chute de 70% de l’activité touristique mondiale si les fermetures se poursuivaient jusqu’en septembre 2020.

Le Covid-19 affectera et modifiera, pour un temps, l’acte spontané de voyager loin et hors du pays de résidence pour motif de découverte, de loisir et d’évasion, ainsi que les voyages pour affaires, conférences, ou activités sportives et culturelles.

Le Royaume n’échappe pas à la chute des flux actuels et futurs du tourisme mondial. Au Maroc, comme presque partout ailleurs, le tourisme a été le premier secteur à subir le choc du Virus. 

Le Covid-19 a mis en danger l’avenir de l’hôtellerie - épine dorsale du secteur-, le transport aérien, mais également les restaurants et cafés, le transport touristique, les agences de voyage et de location de véhicules, les musées et activités culturelles, l’évènementiel, le catering, l’entièreté des activités festives, les métiers de bouche et de loisirs, et les guides; auxquels il faut ajouter près d’un million d’artisans, de bazaristes et petits commerces directement liés à l’activité touristique. 

Il est à noter qu’en conséquence, seront également touchées toutes les activités constituant la chaine d’approvisionnement en biens et services du tourisme, urbains et ruraux, et ce de l’alimentaire et la lingerie à la banque et assurances, en passant par les coopératives et autres fournisseurs de matières premières aux artisans. 

Il s’agit d’un total de plus de 2 millions d’emplois directs et indirects liés au secteur qui sont menacés.

tourisme au Maroc

La récession est annoncée partout dans le monde, avec des effets dévastateurs sur le vouloir et le pouvoir d’achat des consommateurs. 

Parallèlement, l’IATA estime que l’aérien, poumon des activités touristiques, mettrait au moins 3 ans pour retrouver son niveau d’avant crise. 

Aux risques de fermetures d’entreprises dans ces différentes activités, aux difficultés à recréer les chaînes de valeur du secteur, à la perte de plus d’un million d’emplois et de savoir-faire difficilement acquis, il faut ajouter les lourdes conséquences sur la balance des paiements, les réserves de change et les équilibres macroéconomiques et sociaux du pays.

Il est à noter qu’en plus des 80 milliards générés par le tourisme étranger, le marché interne génère, à lui seul, près de 45 milliards de Dirhams de recettes, soit un total cumulé de l’ordre de 10% du PIB. 

En revanche, les Marocains dépensent officiellement près de 21 milliards de dirhams en devises, pour motif de voyages à l’étranger, ce qui représente plus de 26% des recettes devises du secteur.

Compte tenu de l’importance de l’impact du Covid sur le tourisme, l’Alliance des économistes istiqlaliens appelle le gouvernement à adopter, en urgence, un plan de  sauvetage de cet écosystème constitué de milliers d’unités de production et de distribution de biens et services et les millions d’emplois acquis et qualifiés qui le composent. 

Consciente de l’importance de ces enjeux, l’AEI propose un plan d’action incluant 10 grandes recommandations autour de 5 axes.

 

Une gouvernance collégiale pour redémarrer le tourisme, le relancer, le réinventer et le développer 

Compte tenu de la complexité et de l’incertitude de l’évolution des marchés et des ramifications économique, financières et sociales de son écosystème, le tourisme a besoin, aujourd’hui plus que jamais, d’un système de veille et de pilotage spécifique. A ce titre, l’AEI recommande ce qui suit :

  1- Mettre en place un Comité de suivi et de veille dédié au seul tourisme incluant le gouvernement (plusieurs départements sont concernés), les régions touchées, les professionnels, les syndicats et le système financier (banques, leasing, bourse et fonds d’investissement) 

Ce comité doit prendre, au plus vite, les dispositions nécessaires pour permettre à ce secteur stratégique de reprendre ses activités. 

  • Ses travaux doivent se poursuivre, au-delà de 2021, pour assurer la sauvegarde des entreprises de tourisme, veiller à la relance du secteur et retrouver; voire dépasser les niveaux d’activité d’avant 2020.

  • Ce comité veillera à la préparation et au déploiement d’une stratégie de rupture. Il doit s’appuyer sur des outils de veille, de systèmes d’analyse des marchés, de prospective et de gestion des crises.

  2- Inclure le tourisme et l’artisanat dans les dispositifs économiques d’urgence aux niveaux national et régional :

  • Elaborer et mettre en œuvre un plan d’urgence Juillet 2020 - décembre 2022, à pour la mise en œuvre de mesures concrètes pour la réouverture progressive des destinations et équipements touristiques, le maintien d’un remplissage minimum des infrastructures d’accueil, la préservation de l’emploi et la remise en marche la courroie de transmission des richesses, par le tourisme, sur les territoires de notre Pays.

  • Construire, en parallèle, une stratégie permettant à l’écosystème Tourisme de s’adapter aux nouvelles donnes post-Covid et prendre en compte la protection sanitaire, la durabilité environnementale, l’inclusion sociale et la transformation digitale dans les dispositifs de redressement et de relance.

 

Préserver l’emploi, entretenir et renforcer le savoir-faire Tourisme du Maroc

Outre les salariés des entreprises structurées, les actions ci-dessous doivent aussi couvrir les artisans, les TPE et les travailleurs indépendants des différents métiers qui constituent l’offre touristique marocaine. 

Le retour progressif en activité de ces différents métiers déterminera la survie du secteur lors des 12 prochains mois.  

Ceci demandera un plan intelligent de dé-confinement, accompagné de mesures de soutien aux plus vulnérables, non seulement pour leur permettre de survivre, mais aussi de se structurer et mieux se préparer à l’avenir.

  3- Encourager le maintien des emplois, soutenir l’activité des artisans et travailleurs indépendants et protéger les groupes les plus vulnérables en prenant rapidement des mesures telles que :

Exonérer les entreprises concernées, qui préservent une moyenne de 50%  de leur salariés entre 2020 et 2021, des charges sociales et fiscales (IR, CNSS) jusqu’à fin 2020, et les réduire de moitié pour 2021;

  •  Reglementer et faciliter le recours au travail à temps partiel et à temps aménenagé;

  • Réglementer et promouvoir le travail à domicile et le télétravail pour les fonctions support;

  • Proroger les aides sociales pour préserver les revenus des salariés et les indépendants mis en chomage total ou partiel jusqu’à fin 2021;

  • Défiscaliser les départs à la retraite anticipée pour les plus de 55 ans, à leur demande.

  4- Renforcer les capacités et habilités professionnelles des ressources humaines en :

  • Mettant à profit la période de sous-activité pour promouvoir des programmes de formation dans les domaines de gestion, des services aux clients, du digital, de l’hygiène, du sanitaire et des langues (français, anglais, espagnol, chinois, russe) et les financer par l’OFPPT; et

  • Prendre en charge, sur la Taxe de formation professionnelle, 50% des salaires des personnes voulant prendre une année sabbatique pour se former ou se recycler.

 

Sauvegarder les entreprises et améliorer leur compétitivité par l’assainissement de leur situation financière et l’allègement de leurs structures de coût 

La sauvegarde des emplois et des entreprises du tourisme devrait simultanément porter sur le renforcement de leurs finances et le retour de la demande. 

L’appui public à ces unités dépendrait de leur niveau de production, de structuration et de leur capacité de réinventer leur offre dans un cadre sanitaire renforcé et normé. 

L’appui du gouvernement à cette démarche devrait porter sur les 2 catégories d’actions suivantes : 

  5- Générer du cash et renforcer les ressources financières à court et moyen terme à travers les initiatives suivantes : 

  • Lancer des opérations génératrices de cash en permettant aux clients d’acheter et payer à l’avance, à des prix de gros, des prestations touristiques (hébergement, transport, circuits de voyages etc); 

  • Assurer ces achats à l’avance contre la perte du montant payé en cas d’annulation;

  • Rééchelonner systématiquement, et sans frais, toutes les échéances financières (banques, et leasing) des années 2020 et 2021 pour tous les intervenants de l’écosystème cités plus haut;

  • Octroyer un crédit de financement du BFR, équivalent à 3 mois de charges d’exploitation, amortissable sur 3 à 5 ans avec un taux réduit de 100 points de base et garanti par la CCG;

  • Simplifier les procédures d’octroi de ces concours et désigner un service dédié à la filière tourisme chez la CCG et dans chacune des banques participant à cette opération;

  • Permettre à la SMIT d’investir dans des structures existantes en augmentant ses moyens;

  • Encourager les grands opérateurs du tourisme à s’introduire en Bourse en leur finançant les conseils et les frais d’introduction par la SBVC.

  6- Alléger la structure des coûts d’exploitation et la fiscalité frappant les opérateurs du tourisme et d’artisanat pour en assurer la survie et en améliorer la compétitivité

  • Faire un avoir de primes d’assurance sur les risques suspendus pendant la période d’arrêt d’activité et réduire les primes pour les années de reprise (2020 et de 2021);

  • Aligner les tarifs d’eau et d’électricité appliqués aux opérateurs du tourisme sur ceux de l’industrie;

  • Inciter tous les bailleurs et les communes à réduire les loyers et les charges locatives de 50% pour 2020 et 2021, dans le cadre d’un élan de solidarité pour sauver ces entreprises et leurs emplois;

  • Permettre une flexibilité sur la gestion des effectifs et salaires pendant les années 2020 et 2021 : travail à temps partiel, congés avancés et congés sans solde ne dépassant pas 3 mois par année (2020 et 2021), partiellement compensés par les aides de la CNSS;

  • Réduire à 3 le nombre des taxes, redevances et droits ayant une incidence sur les transports, les voyages, le tourisme et l’artisanat et alléger leurs taux;

  • Appliquer le système fiscal des auto-entrepreneurs aux micro-entreprises touristiques et artisanales dont le chiffre d’affaire est inférieur à 3 millions de dirhams et l’effectif ne dépasse pas 4 salariés, de sorte à les faire passer du secteur informel au formel et les encourager à embaucher;

  • Inciter les entreprises à souscrire aux amnisties fiscale et sociale, sans frais, et reporter le délai à fin 2021;

  • Suspendre les Avis à Tiers Détenteur (ATD) et les recours jusqu’à fin 2021.

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Adapter l’offre Tourisme Maroc aux nouvelles exigences sanitaires, environnementales et sécuritaires 

L’Offre produit devra être «réinventée» et encadrée pour offrir à la fois le bien-être et la sécurité sanitaire aux clients nationaux et internationaux. A cet effet, l’AEI propose :

  7- Créer un label marocain à portée internationale «Green & Safe» en établissant des procédures et normes écologiques et sanitaires et en veillant à leur stricte application, à travers les mesures suivantes :

  • Préparer des référentiels marocains de certification sanitaire et écologique pour les principales activités de tourisme, en recourant à des bureaux de contrôle reconnus et accrédités à cet effet;

  • Elaborer et diffuser des cahiers de charges, de normes nationales et de guides sanitaires, par filière (hébergement, restauration, cafés, transport, commerces, agences de voyage, etc). 

Ces outils attesteront que l’industrie touristique marocaine est apte à protéger la santé de ses clients, salariés et fournisseurs

  • Identifier et labelliser les fournisseurs de la chaine de valeur tourisme répondant aux normes sanitaires; 

  • Réglementer et plafonner les taux d’occupation par nature d’établissement touristique et par nature de moyens de transport, en vue de respecter les règles de distanciation sociale;

  • Assurer la présence de compétences médicales dans les grandes unités d’hébergement touristique;

  • Créer des brigades de contrôle sanitaire du tourisme veillant au respect des règles de distanciation et d’hygiène à l’accès des sites, restaurants, cafés, magasins, bazars, plages et attractions touristiques ;

  • Exiger la disponibilité de masques et de gel hydro alcooliques en quantité suffisante dans les chambres d’hôtels, espaces communs et restaurants;

  • Mettre à niveau les unités hospitalières publiques provinciales et régionales et agréer, dans un cadre conventionnel, des structures privées pour accueillir les malades en voyage dans de bonnes conditions.

 8- Reconsidérer le contenu de l’offre globale des principales activités touristiques et leur packaging 

  • Mettre en place des offres packagées (transport, hébergement, animations) pour les nationaux en leur appliquant les tarifs octroyés aux TO, à travers les réceptifs et en direct;

  • Lancer un plan de transformation digitale des opérateurs de tourisme et du design de leurs offres respectives;

  • Intégrer «le tourisme médical et sanitaire» parmi les niches à développer avec l’implication directe du ministère de la Santé et des structures hospitalières publiques et privées;

  • Repenser le Produit touristique (hébergement + animations + services aux touristes) dans la perspective d’offrir une expérience touristique propre au Maroc basée sur le « Safe& Green»;

  • Surseoir à l’extension des capacités et investir, en priorité, dans la rénovation de l’offre tourisme, la mise à niveau des unités existantes, le développement des tourismes durable et rural, la connaissance et la pénétration des marchés.

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Relancer et diversifier les marchés interne, puis international du tourisme et artisanat

Le tourisme domestique est un réservoir d’importance capitale pour les industries touristiques nationales. 

Depuis 2014, le marché domestique national, comparé aux autres pays émetteurs, représente le premier contributeur aux nuitées touristiques du Maroc avec près de 40%.

«Nos dépenses voyages formelles à l’étranger se sont élevées à près de 21 milliards de dirhams en 2019; soit plus de 26% de nos recettes voyages; ce qui représente un grand potentiel pour nos professionnels.   Malheureusement, le tourisme interne ne bénéficie pas d’une stratégie marketing précise, déclinée en un mix de produit-prix-distribution et communication»,  note l’AEI. 

«Parallèlement, les marchés émetteurs de proximité connaitront de grandes difficultés, ce qui nécessite une diversification sur des marchés plus prometteurs», ajoute l’Alliance qui propose ce qui suit :

  9- Reconquérir le marché marocain du voyage et du tourisme en adaptant l’offre aux attentes de la classe moyenne nationale, ce qui consiste à :

  • Promouvoir le tourisme des régions et le tourisme domestique national, puis le Tourisme MRE (qui restera tributaire de la réouverture des frontière et la reprise du transport aérien international);

  • Poursuivre et accentuer la multiplication des liaisons aériennes internes opérées par la RAM avec l’appui financier des régions et villes concernées;

  • Lancer une plateforme digitale de commercialisation de l’offre tourisme, réservée au marché domestique et ouvertes aux seuls établissements ayant le label sanitaire;

  • Lancer une campagne de promotion du tourisme interne adaptée aux nouveaux et futurs enjeux du marché domestique tels que salons régionaux du tourisme et d’artisanat, virtuels, puis physiques;

  • Régionaliser le calendrier des vacances scolaires pour étaler la saison touristique;

  • Organiser des espaces d’exposition vente de packages touristiques et de produits d’artisanat dans les grandes surfaces;

  • Appliquer, aux clients marocains, les conditions tarifaires appliquées aux groupes étrangers.

 10- Développer une nouvelle intelligence économique d’observation des pays émetteurs et cibler de nouveaux produits-marchés 

  • Lancer une campagne de promotion ciblant les MRE préalablement à l’ouverture des frontières;

  • Construire une image renouvelée des différentes destinations Maroc à plus long terme et lancer une stratégie de communication conséquente;

  • Accélérer le déploiement du plan digital pour la promotion de la destination Maroc, notamment par les réseaux d’influenceurs;

  • Développer des partenariats avec les opérateurs internationaux et mettre en place un plan de Co-marketing (TO & lignes régulières) pour préserver et développer les lignes aériennes reliant les grands marchés émetteurs aux régions du Maroc.

«En conclusion, le tourisme est le premier des métiers mondiaux du Maroc. Il a fortement contribué à promouvoir notre pays comme destination des investissements pour les autres métiers mondiaux qui ont émergé. 

Son poids économique et ses ramifications sociales nécessitent une reprise en main urgente de ce secteur par les pouvoirs publics, en étroite concertation avec les parties prenantes. 

Plus qu’une action de secours, le tourisme marocain a aussi besoin d’une stratégie novatrice lui permettant de jouer un rôle important dans la mise en œuvre de notre futur modèle de développement», conclut l’AEI.





 

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